Bricolage sans aucune fiabilité
Interview du Conseiller national Christian Wasserfallen, PLR, sur la stratégie énergétique 2050
Monsieur Wasserfallen, la politique énergétique suisse s’engage sur une nouvelle voie avec la Stratégie énergétique 2050. Mais est-ce la bonne voie?
On sait d’ores et déjà que des objectifs mentionnés dans la Stratégie énergétique 2050 ne pourront même pas être atteints à moitié. De plus, l’intégralité des coûts qu’ils engendreront est en grande partie inconnue. Ce qui est clair par contre, c’est que nous parlons de subventions par milliards et d’une augmentation de la réglementation. Parler de «stratégie» est donc inapproprié. La vérité est que, malheureusement, tout cela va se faire au détriment de la stabilité de l’approvisionnement en électricité. Aujourd’hui, personne ne sait comment compenser dans notre pays les 40% de l’énergie atomique ou la fermeture de la centrale nucléaire de Mühleberg. On peut donc être certain – et c’est un paradoxe – que nous dépendrons alors de l’électricité produite par des centrales à charbon en Allemagne et par des centrales nucléaires en France.
Quels sont les dangers inhérents à une transition énergétique comme celle qui est actuellement encouragée par le Conseil fédéral?
Cette stratégie énergétique bureaucratique basée sur des subventions tient du bricolage et n’offre aucune fiabilité. Elle ne dispose d’aucune base constitutionnelle et ne jouit donc pas non plus d’une large acceptation dans la population. Le PLR demande que soit donnée une base constitutionnelle pour que les objectifs, les mesures et les coûts soient connus et puissent être envisagés avec fiabilité sur le long terme.
Le Conseil national vote sans hésiter des milliards en subventions dans la Rétribution à prix coûtant du courant injecté (RPC). Le développement des énergies renouvelables sera ainsi généreusement subventionné à hauteur de 1,3 milliard chaque année, ou de presque 30 milliards en deux décennies, ce qui ne correspond en rien à la réalité du marché. Tout cet argent ne servira d’ailleurs ni à stocker du courant ni à construire un pylône ou un réseau électrique. Tout cela est insensé et illustre la dérive d’une politique clientéliste.
L’énergie hydraulique suisse traverse une période difficile et subit de plein fouet la concurrence d’une électricité bon marché produite avec du charbon en Allemagne et d’une électricité renouvelable fortement subventionnée. Il faudrait donc renforcer la responsabilité des cantons préalablement à toute distribution massive de subventions par la Confédération. Les centrales hydrauliques versent de nombreuses redevances à la collectivité et aux pouvoirs publics. Les mesures de soutien de la Confédération devraient donc être impérativement couplées à une réduction de la redevance hydraulique et de la charge fiscale des centrales hydrauliques. Sinon, la Confédération ne ferait que remplir les caisses des cantons, ce qui équivaudrait à une augmentation de la quote-part de l’Etat sans autres effets.
Les décisions les plus importantes ne sont pas abordées dans la Stratégie énergétique 2050. La libéralisation conséquente du marché de l’électricité et un éventuel raccordement au marché intérieur de l’électricité de l’UE sont malheureusement traités séparément. On peut par ailleurs rappeler ici que l’accord bilatéral avec l’UE dans ce domaine est actuellement bloqué au niveau de la politique extérieure.
Comment se présente selon vous un avenir énergétique raisonnable? Et quelles seraient les prochaines étapes pour s’engager dans cette direction?
Au niveau de la politique énergétique, nous devons réussir à mettre en place une déréglementation ciblée doublée de mesures incitatives adéquates, plutôt que de mener une politique clientéliste bardée de subventions et de contraintes. Ceux qui la pratiquent encore ne proposent pas une politique énergétique solide, contrairement à d’autres qui promeuvent durablement une expansion tridimensionnelle des infrastructures dans le domaine de l’énergie. A cela vient évidemment s’ajouter un indispensable renoncement à toutes les interdictions de technologie, ces dernières étant plus souvent comparables à des interdictions de réfléchir. Cette réflexion s’applique aussi bien à la technologie nucléaire qu’à d’autres technologies nouvelles pouvant s’avérer intéressantes à l’avenir. En fermant l’option de l’énergie nucléaire, nous signifierions aussi notre méconnaissance de la politique climatique. Car si des centrales d’électricité renouvelables doivent être construites, il faut qu’elles viennent remplacer les centrales travaillant avec des énergies fossiles comme le gaz et le charbon, et certainement pas les centrales nucléaires dont la production électrique n’a que de faibles émissions de CO2.