Pendant combien de temps devraient fonctionner les centrales nucléaires?
Est-ce judicieux de limiter la durée d’exploitation d'une centrale nucléaire? Deux experts donnent leur avis.
Monsieur Meinecke, vous dirigez la centrale nucléaire de Gösgen. Comme pour toutes les centrales nucléaires suisses, la durée d’exploitation de la CNG est illimitée dans le temps. Elle restera donc en fonctionnement aussi longtemps que l'IFSN estimera qu'elle est sécurisée. Quels sont les avantages et les inconvénients de ce règlement?
Aujourd'hui, la sécurité et donc la protection des personnes et de l'environnement sont au cœur de l’exploitation des centrales nucléaires. Telle est également la volonté qui sous-tend le règlement juridique actuel que nous appliquons de manière résolue et responsable. Depuis sa mise en service il y a 34 ans, la CNG a investi près d’un milliard de francs dans la sécurité et la modernisation de l’installation – pour un système de refroidissement avec des piscines de stockage des éléments combustibles, un système de décompression, le renouvellement de la technique de contrôle et de commande ainsi que pour des raccordements supplémentaires pour les pompes externes.Le CNG a été conçue et construite de manière robuste, et répond aux exigences actuelles de la techniques grâce aux travaux de rénovation et de modernisation effectués de manière résolue. Les rééquipements continus, tels qu’ils sont effectués dans toutes les centrales nucléaires suisses, sont la raison pour laquelle nos installations nucléaires font parties des plus sûres au monde, comme l’ont clairement démontré les stress de résistance européens. Le système actuel est exemplaire, même à l’échelle internationale, et fonctionne parfaitement. Je ne vois que des avantages dans le règlement actuel.
Quelles conséquences aurait une limitation des durées d’exploitation pour la sécurité et le fonctionnement des centrales nucléaires?
Les conséquence de telschangements fondamentaux sont difficiles à évaluer. Le règlement actuel, qui exige une remise en question permanente et une attitude proactive, a permis de développer une culture positive de la sécurité. Quels avantages en terme de sécurité pourrait donc apporter une telle limitation? Il est certain que l’exploitation illimitée favorise le recrutement de personnel qualifié et motivé et la formation continue des collaborateurs. Je ne souhaite rien y changer.
Quand est-ce qu’une centrale nucléaire est vraiment trop vieille pour être encore exploitée?
Du point de vue technique, aucun argument relatif à la sécurité ne justifie la limitation de la durée d'exploitation d'une centrale nucléaire. Il est aujourd'hui possible de renouveler, d'améliorer et remplacer pratiquement tout dans une centrale nucléaire. Même la cuve de pression du réacteur de la CNG possède un horizon d'exploitation avéré de plus de 60 ans. Toutefois, les travaux de modernisation peuvent devenir très coûteux au fil du temps, au point que l’exploitation ne soit plus économiquement rentable. Le déclassement d’une centrale nucléaire devrait ainsi être une décision entrepreneuriale, laissée à la libre appréciation des exploitants.
Monsieur Plaschy, vous êtes responsable de la division de l'énergie nucléaire chez Alpiq. Quelles conséquences économiques auraient des durées d’exploitation limitées pour les compagnies d'électricité?
L’autorisation d’exploitation illimitée dans le temps laisse aux exploitants la marge de manœuvre nécessaire pour un planning à long terme et rentable des investissements. Sur la base de la loi actuellement en vigueur et des exigences de l’IFSN, les investissements et les travaux de maintenance sont effectués de manière préventive et continue. C’est à ce système fiable que nous devons la très haute sécurité et la disponibilité élevée de nos installations à l’échelle mondiale. Une limitation des durées d’exploitation ne pourrait donc que conduire au déclassement d’installations sécurisées.
Avec un prix de revient d’environ 5 centimes par kilowattheure, l'énergie nucléaire reste compétitive même dans un environnement économique difficile à moyen terme. Par conséquent, l'exploitation de nos centrales nucléaires, aussi longtemps qu’elles sont sécurisées, offre un avantage évident: elles apportent une contribution très importante, fiable et rentable à l’approvisionnement en électricité en Suisse et nous laissent plus de temps pour le développement de nouvelles technologies. Pour moi, nos centrales nucléaires constituent non pas une concurrence pour d’autres domaines d’activités, mais plutôt un soutien fiable pour le groupe tout entier.
Et que signifierait une limitation des durées d’exploitation pour les propriétaires des centrales nucléaires, c'est-à-dire pour les cantons et le peuple suisse?
Comme toutes les compagnies d'électricité, Alpiq est en grande partie détenue par le secteur public. Que ce soit pour des actionnaires privés ou pour les cantons et, en fin de compte, pour le peuple suisse: la sécurité est ce qu’il y a de plus important. Toutefois, les actionnaires ont également droit à la protection de leurs investissements. Si, pour des motifs politiques, les durées d’exploitation des centrales nucléaires venaient à être limitées, des investissements considérables pourraient ne plus être amortis. Ce serait une destruction inutile des richesses nationales, qui soulèverait également la question de l'indemnisation.
A votre avis, quel serait l’impact sur le paysage électrique de la Suisse d’un déclassement prématuré des CN après 40 à 50 ans en raison de motivations politiques?
Une durée d’exploitation de 60 ans est techniquement possible. Aux États-Unis, deux tiers des centrales nucléaires obtiennent une autorisation d’exploiter pour 60 ans, et la Suède également aspire à cette durée pour ses installations. En Suisse, un déclassement prématuré et politiquement motivé des CN au terme de 40 à 50 ans d’exploitation aurait des conséquences considérables: la sécurité de l'approvisionnement pourrait diminuer et il pourrait s’avérer nécessaire de construire des centrales à gaz à cycle combiné et d’importer des quantités supplémentaires d'électricité.